Un assureur ne peut opposer la nullité du contrat d’assurance à un souscripteur blessé en tant que passager, même si celui-ci a délibérément menti sur l’identité du conducteur habituel du véhicule.
Tel est le rappel que vient d’effectuer la Cour de cassation.
Dans cette affaire, un homme avait été blessé à la suite d’un accident de la circulation. Il était passager du véhicule impliqué, dont il était également le propriétaire et le souscripteur du contrat d’assurance. Le conducteur était, quant à lui, en état d’ivresse.
Renvoyé devant le tribunal correctionnel, le conducteur a été déclaré coupable de blessures involontaires. Statuant ultérieurement sur les intérêts civils, les juges ont par ailleurs admis l’exception de nullité soulevée par l’assureur. Celui-ci refusait en effet d’indemniser la victime, faisant valoir la nullité du contrat pour fausse déclaration (article L. 113-8 du Code des assurances).
La Cour d’appel a toutefois infirmé le jugement sur ce dernier point : bien que le contrat d’assurance soit nul pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, le droit de l’Union européenne (et notamment la directive 2009/103/CE) interdit de priver une victime de son droit à indemnisation, dès lors qu’elle est tiers lésé au moment de l’accident.
Saisie du litige, la Cour de cassation confirme cette analyse. Elle juge ainsi que, sauf abus de droit, la nullité du contrat pour fausse déclaration ne peut être opposée à la victime passager, même si cette dernière est également le souscripteur auteur de la déclaration frauduleuse. Une telle opposabilité limiterait de manière disproportionnée le droit de la victime à l’indemnisation et priverait la directive européenne de son effet utile.
Les Hauts magistrats précisent en outre que l’exception d’abus de droit n’est pas applicable en l’espèce, l’objectif de protection des victimes poursuivi par la réglementation de l’Union étant atteint dès lors que l’assuré sollicite une indemnisation en sa qualité de passager victime.
⚖️ Cour de cassation, chambre criminelle, 23 septembre 2025, pourvoi n° 20-86.015